Premières lectures d'après Albert Cim (1845-1924)

Publié le par Livres et rares

On connaît la force, la vitalité, la persistante influence des impressions reçues durant l'enfance et au seuil de la jeunesse. Au point de vue qui nous occupe, au point de vue des livres et de la lecture, l'existence entière peut se ressentir de ces premières fréquentations intellectuelles et de ces premières manifestations du goût. Aussi nous a-t-il paru intéressant de relever quelques-uns de ces témoignages.

 

Tout d'abord, comment lit-on à treize, quatorze ou quinze ans, voire à dix-huit, vingt ou vingt-cinq? Comment, à ces âges, apprécie-t-on un livre, et quel fruit peut-on, d'ordinaire, retirer de ses lectures?

 

"Quand on est jeune, atrès justement écrit la bibliographe Alfred DE MARTONNE (1820-....), on a nul souci de la forme du livre; qu'il soit beau ou laid, bien ou mal relié, peu importe. On se moque des éditions rares, des textes curieux, des livres de prix. On ne s'occupe que de l'idée et surtout du sentiment. On n'a cure que de ce qui plaît au coeur, et touche et émeut. Foin de l'esprit et des belles dorures! Il n'y a pas de bibliophile de vingt ans. Quand on est jeune, on ne sait pas relire un livre. À peine sait-on le lire. On le dévore, et , pour bien juger un livre, il faut le relire et à différentes époques de sa vie. Il y a, comme cela, des livres qui sont un thermomètre de l'esprit ou plutôt du coeur."

 

"Il n'y a pas de bibliophile de vingt ans": voilà, en effet, une vérité quasi absolue, une sorte d'axiome. À vingt ans, le sentiment prime le raisonnement, prime tout. On a hâte de tout voir, de tout connaître, de tout lire, de tout feuilleter plutôt; ceux-là sont rares qui, à cet âge heureux, relisent sans y être contraints, soit par un besoin du coeur, soit par manque de livres nouveaux, de livres non encore lus ou parcourus.

 

Nous verrons du reste plus loin, en parlant des livres anciens et des livres nouveaux, que les jeunes lecteurs n'aiment guère remonter au delà de leur époque et se plaisent surtout avec leurs contemporains.

 

 

L'évêque d'Avranches HUET (1630-1721), "l'homme qui a peut-être le plus lu", éprouva, dès sa petite enfance, cette ardente passion qu'il manifesta toute sa vie pour les livres et pour la lecture. "L'amour de l'étude prévint en lui, écrit son biographe, l'abbé d'Olivet, ne disons pas tout à fait la raison, puisque nous ignorons quand elle commence, mais au moins l'usage de la parole. "À peine, dit-il, avais-je quitté la mamelle, que je portais envie à ceux que je voyais lire."

d'après Albert Cim, LE LIVRE,Paris,Ernest Flammarion,1923

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